SOMMAIRE
Le management holistique des pâturages représente une approche novatrice dans l’agriculture durable. Allan Savory, écologiste et biologiste, a développé le concept de gestion holistique en mettant l’accent sur la régénération des terres par le biais d’une gestion dynamique du pâturage. Ce principe a été inspiré par André Voisin, un biochimiste, agronome et agriculteur français, précurseur de l’agriculture raisonnée qui a mis en avant l’importance de l’équilibre entre la végétation et le pâturage par le mimétisme du mode de vie ancestral des troupeaux sauvages.
L’ingérence de l’homme sur l’éco-système
Avant l’agriculture et la domestication à partir du néolithique, la vie des sols, des plantes, des animaux et des hommes évoluaient en symbiose. Aujourd’hui les régions les plus désertiques (les zones brunes ci-dessous), comprenaient un nombre inimaginable de grands animaux ruminants avant que les humains n’exterminent la plupart d’entre eux et ne les remplacent par moins d’animaux domestiques.
Pour exemple aux Etats-unis, au 17ième siècle, on comptait encore 30 à 40 millions de tête de bison. Lors de la conquête de l’Ouest, l’effort délibéré du gouvernement américain pour éliminer l’espèce afin de soumettre les peuples autochtones qui vivaient en totale interdépendance avec elle, ses effectifs ont chuté drastiquement. En 1889, il ne restait plus que 512 bisons des plaines, aujourd’hui on en compte environ 500 milles.
Zone de désertification
Dans de tels environnements, lorsqu’il n’y a pas assez de ruminants pour recycler biologiquement les feuilles et les tiges d’herbe mourantes (dans leur rumen humide ou en piétinant les matières végétales dans le sol) une oxydation progressive remplace la décomposition biologique rapide. Les plantes oxydées meurent prématurément et les prairies se transforment en plantes essentiellement ligneuses et en sols nus qui évacuent l’eau et s’assèchent.
Dans les années 60, Allan Savory pensaient que les éléphants étaient responsables de la désertification, sa conviction a conduit à l’abattage 40.000 éléphants d’Afrique, le résultat après quelques années fut à l’inverse de ses prédictions, accélérant fortement l’aridification des terres. Son erreur fut pour lui un choc révélateur, aujourd’hui plus de 29 millions d’hectares ont été transformé en une terre fertile et génératrice d’un écosystème durable1.
Qu’est ce que le pâturage tournant ?
Ce modèle de gestion repose sur une rotation intensive du bétail, mimant les mouvements des troupeaux sauvages, favorisant ainsi la santé des sols et la biodiversité. Contrairement à l’agriculture conventionnelle qui souvent épuise les sols par des pratiques intensives, le management holistique renforce la fertilité du sol en encourageant la croissance de l’herbe et en séquestrant le carbone atmosphérique.
L’exercice est « simple » : mettre les bêtes en conditions de « prédations », en les rassemblant sur de petits espaces sur un temps très court. Ainsi, surprise par le « peu » de nourriture dont toutes disposent au même moment, elles vont s’empresser de brouter tout ce qu’elles trouvent.
En avançant et mangeant, les bêtes amendent le sol de leur urine et fèces, en marchant dessus elles créent des micro-niches écologiques qui favorisent la digestion de cette matière organique riche et fraîchement à disposition, répartie de façon homogène sur la parcelle. Le sol s’en trouve améliorer, la valeur nutritive des plantes également, les bêtes pâturent ainsi plus de vert et de saison, des plantes plus diversifiées et nutritives, améliorant leur santé et celle des sols.
Contrairement à l’idée répandue associant le pâturage à la dégradation des terres, ce modèle préconise d’augmenter la taille des troupeaux et de les déplacer de manière organisée, mimant les migrations naturelles. Cette stratégie favorise l’adaptation des troupeaux à des environnements hostiles, décourageant les prédateurs.
Le management holistique
Cette gestion holistique est un excellent exemple de biomimétisme au niveau des écosystèmes, la nature et l’interrelation entre espèces est un modèle intelligent, par son observation nous avons les clés pour une planète abondante et fertile.
Quels sont les avantages du management holistique ?
Comme l’illustre l’infographie ci-dessous, les avantages pour la planète sont multiples :
Les avantages du pâturage tournant
La rotation des troupeaux contribue à la lutte contre la désertification, un problème mondial croissant. De plus, elle permet de prévenir la surpâture, préservant ainsi la biodiversité locale. En comparaison avec l’agriculture conventionnelle, cette approche holistique réduit la déforestation liée à l’expansion des terres agricoles et limite l’utilisation de pesticides et d’engrais synthétiques, réduisant ainsi la pollution de l’eau et préservant la qualité des écosystèmes aquatiques.
La gestion holistique enseigne aux gens la relation entre les grands troupeaux d’herbivores sauvages et les prairies, puis les aide à développer des stratégies de gestion des troupeaux de bétail domestique afin d’imiter ces troupeaux sauvages pour soigner la terre. […] La gestion holistique embrasse et honore la complexité de la nature et utilise le modèle de la nature pour proposer des approches pratiques à la gestion et à la restauration des terres.
— L’Institut Salé (2015)
L’un des aspects les plus significatifs du management holistique est son impact positif sur le cycle du carbone. En encourageant la croissance des plantes et la séquestration du carbone dans le sol, cette approche contribue à atténuer le changement climatique. En outre, le modèle de pâturage holistique favorise la captation du carbone atmosphérique par les prairies, offrant ainsi une solution innovante pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Diminution du GES (gaz à effet de serre)
le Rodale Institute a publié un livre blanc2 décrivant comment les techniques agricoles disponibles aujourd’hui pourraient séquestrer des quantités suffisantes de carbone atmosphérique pour ralentir le changement climatique et réduire les concentrations de gaz à effet de serre à long terme en fixant le carbone dans les sols agricoles.
Désinformation et données exagérées
Des apparences trompeuses et les manipulations émotionnelles font penser que l’élevage n’est pas un modèle viable3, que la consommation de viande est dangereuse, voir même que les pets de vache seraient responsable du gaz à effet de serre, alors qu’en même temps nous vivons la 6ième extinction de masse et que les animaux sur terre ont considérablement diminués depuis l’agriculture.
Le boeuf et le GES (Source SacredCow / le boeuf émissaire)
Le boeuf et l’eau (Source SacredCow / le boeuf émissaire)
Il faudrait diviser par 5 la population actuelle pour se nourrir qu’avec du végétal tout en continuant la désertification. Selon la l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) l’agriculture conventionnelle devrait s’effondrer d’ici 2050 du à l’appauvrissement des sols.
SEUL un bétail correctement géré peut inverser la désertification et régénérer les sols agricoles de la planète à l’échelle requise pour lutter sérieusement contre le changement climatique.
« Beyond meat » et la face cachée de l’iceberg
Cette gestion holistique est à contre courant du modèle beyond meat injecté dans la pensée collective. Dans sa face cachée, ce modèle détruit l’éco-système et la biodiversité tout en manipulant l’opinion de masse à une cause aux vertus illusoires.
Chacun est libre de ses convictions personnels, pour autant il est nécessaire que chacun puisse faire un choix éclairé par la lumière du bon sens :
La face cachée derrière « Beyond meat »
Si nous épluchons les croyances autour de la consommation de la viande animale il s’avère que ce mode alimentaire en management holistique est vertueux. L’alimentation carnée peut nourrir la population mondiale avec une alimentation hautement bio-disponible, riche en densité nutritive tout en rendant fertile la terre et la biodiversité.
Alors qu’une vache/personne/an (soit 220kg sans les os) est suffisant pour nourrir un individu, il faudrait 8 milliards de vache soit 2 milliards d’hectare de prairie (4 vaches par hectare) pour nourrir la population. Aujourd’hui, sans compter les forêts il y a 5 milliards d’hectare de pâturage disponible.
De plus, il est tout à fait envisageable d’élever des animaux de manière respectueuse, en favorisant la production locale et en évitant l’industrialisation, tout en les laissant évoluer dans un environnement naturel. Le film « sacred cow » 4 présente des exemples concrets d’éleveurs, ainsi que de boucheries et d’abattoirs responsables, qui adoptent une approche respectueuse et axée sur la qualité de la viande.
Pour conclure, cet article n‘a pas pour vocation de convertir la population à une alimentation 100% animale, il a été rédigé pour vous informer que le management holistique des pâturages, inspiré par les travaux d’Allan Savory et d’André Voisin, offre une alternative durable à l’agriculture conventionnelle. En régénérant les sols, préservant la biodiversité et contribuant à l’atténuation du changement climatique, cette approche représente un moyen prometteur de concilier les besoins alimentaire avec la préservation de la planète, car de l’équilibre du sol dépend la santé de l’animal et de l’homme.
Avant/Après de transformation des terres (photos)
Gabe Brown est un agriculteur américain intégrant l’élevage à ses cultures dans une zone de précipitations de 400 mm. Il cultive le sol à faible coût – tout en dépassant les meilleurs rendements agricoles de ses voisins.
Désert du Karoo – retour des prairies où le bétail a augmenté grâce à la gestion holistique.
Dimbangombe Ranch – Centre africain pour la gestion holistique du Zimbabwe – photos avant et après du même site – tous érodés indépendamment des précipitations au fil des années, et tous améliorés grâce à un nombre accru de bovins, de moutons et de chèvres grâce à la gestion holistique.
Mexico – évolution de l’écosystème
RÉFÉRENCES :
- https://savory.global/ [↩]
- Moyer, J., Smith, A., Rui, Y., Hayden, J. (2020). L’agriculture régénératrice et la solution de carbone du sol [livre blanc].https://rodaleinstitute.org/wp-content/uploads/Rodale-Soil-Carbon-White-Paper_v11-compressed.pdf [↩]
- https://www.inrae.fr/actualites/quelques-idees-fausses-viande-lelevage [↩]
- https://www.sacredcow.info/ [↩]